Salutations les aminches,
Aujourd’hui, un debriefing à chaud sur un KS que je viens de recevoir et qui aura fait parler de lui, d’abord en bien mais aussi en mal : Gloom of Kilforth du britannique Tristan Hall.

Ce jeu est un land crawler, dont la première édition remonte à 2015 sur Kickstarter. Comme beaucoup de jeux sur cette plate-forme, il a fait l’objet seconde campagne/réédition en novembre 2017, en prenant pour prétexte la sortie d’une extension. N’étant pas encore inscrit sur Kickstarter en 2015, j’étais passé à côté de cette petite perle ludique, mais me suis rattrapé avec un all in au cours de cette seconde campagne. Une localisation française ayant été planifiée par Nuts Publishing, j’ai choisi la VF et c’est là que les ennuis ont commencé… Mais ne grillons pas les étapes et revenons d’abord sur le jeu lui-même que je viens de récupérer en VO 😉
Un land crawler en cartes à jouer
Parmi les différents motifs m’ayant fait craquer pour le jeu, il y a d’abord le fait que ce soit un jeu de cartes. J’aime beaucoup les land crawler ainsi que les dungeon crawler d’ailleurs, mais j’ai parfois la flemme de les sortir avec leur tonne de matériel : plateau, fiches de persos, jetons en tous genres, figs, etc. Ici, on est dans une version bien plus compacte et pratique, puisque la majeure partie du matériel se compose de cartes : cartes de race, de classe, de rencontres, d’événements, d’objets, etc. Même le plateau est composé de cartes représentant les différents lieux que nous allons explorer au cours de l’aventure et formant le monde de Kilforth.

– à gauche, ce sont les cartes de la version de base, à droite celles du Pimp my Gloom que je ne saurais trop conseiller
– l’un des territoires est sur sa face « gloomy » et vous montre un malus, à savoir la perte d’un pv si vous finissez votre tour sur celui-ci
– en bas à gauche, cette zone montre un raccourci que l’on peut prendre pour se rendre à une autre zone spécifique. Autant vous dire qu’il ne va pas falloir hésiter à en abuser !
Il y a certes des tokens : en bois pour représenter les points de vie, actions, états, pièces d’or ; en carton, pour les loots que l’on récupère au gré de nos pérégrinations et bastons ; ainsi que des standees à l’effigie de nos héros de légende. Mais l’ensemble n’est pas effrayant et plutôt de bonne qualité.

Le fait que ce soit justement un jeu de cartes constitue le deuxième motif qui m’a poussé à l’achat ! J’adore les jeux de cartes en tous genres et pouvoir faire du land crawling par ce biais ne pouvait que m’attirer. Bien que le wording ne soit pas toujours très intuitif – vous amenant à passer votre début de première partie le nez dans les règles – cela s’avère au fil des tours très fluide et les cartes apparaissent bien adaptées aux mécanismes du jeu.
Enfin, dernier critère a m’avoir fait craquer, les illustrations qui sont de toute beauté ! Evidemment, on me rétorquera que c’est une question de goût et que cela se discute. C’est vrai, mais j’ai brassé beaucoup de jeux de cartes au cours de ma carrière ludique et celui-ci s’est d’emblée classé dans le haut du panier ! Tout comme un autre jeu récemment arrivé dans ma ludothèque – et dont je reparlerai sans doute une autre fois – Call to adventure passé lui aussi par la case Kickstarter. De façon plus générale, on peut remarquer qu’il y a un effet Kickstarter sur cet aspect graphique/design des jeux, les standards en la matière ayant clairement monté. Non seulement sur les jeux édités par ce biais, mais plus globalement sur la production ludique puisque même les éditeurs classiques font désormais davantage attention à ce point. Si cela ne constitue pas forcément un gage de réussite – le plumage ne se rapportant pas toujours au ramage – il n’en reste pas moins que c’est un sacré plus, surtout lorsque c’est mis au service de l’immersion comme c’est le cas ici.

Rajoutez à cela qu’une « extension » de pimpage a été spécialement éditée au cours de la seconde campagne afin d’améliorer encore l’aspect graphique : les cartes de terrain ont été agrandies au format tarot – ce qui est non seulement plus beau mais aussi bien plus pratique en termes de jeu -, une vingtaine de standees ont été rajoutés aux 4-5 du jeu de base permettant d’avoir une grande variété dans le choix de son perso.

« Petit mais costaud ! »
Attention, sous ses aspects de « petit jeu », Gloom of Kilforth cache bien ce qu’il est : un vrai land crawler, assez exigeant qui plus est. Les principes de base sont plutôt classiques, ce qui est logique vu le type de jeu. On quitte sa bonne cité de Sprawl City – carte centrale dans les 25 qui composent le territoire de Kilforth – menacée par un mal ancien qui est en train de corrompre la contrée, le « gloom » qui se retrouve dans le titre : un mot assez difficile à traduire puisqu’il recouvre à la fois l’idée de ténèbres, mais également de dépression.
On va donc se balader de zone en zone, à la recherche de quêtes à remplir, de lieux à visiter, de monstres à défoncer. Il s’agit à la fois de pexer – comme dans tout bon crawler qui se respecte – mais également de remplir notre saga. Celle-ci est une histoire propre à chaque personnage, en cinq volets et que chaque joueur doit compléter avant d’être autorisé à aller affronter les Anciens, à savoir les grands méchants de l’histoire. Pour les remplir, il faut à la fois avoir les poches pleines, mais avoir également rempli un certain type de missions, être allé dans des types de zones spécifiques, etc.

Mais histoire qu’on ne prenne pas trop son temps à ramasser les champignons où à taper la causette à la taverne – façon Perceval et Karadoc – on n’a que 25 tours pour compléter nos sagas et défoncer les Anciens. Et le compte-tours est marqué par les ténèbres qui vont à chaque tour envahir une région, ce qui se traduit par le fait que l’on retourne la carte sur sa face obscure et qu’on y aura désormais des malus à affronter.

– M’en parlez pas ! On va encore se faire engueuler ! Pourtant, je ne comprends pas : on était préparé à fond !
– Ouais ! Avec des techniques de malade en plus !
– Peut-être auriez-vous tendance à procrastiner, non ?
– …
– C’est pas faux ! »
Et c’est ce facteur temps qui est au coeur du jeu et qu’il va falloir maîtriser, rentabiliser au mieux. On dispose en effet de 4 actions principales par tour – sachant qu’il en existe des secondaires gratuites – total qui est en fait lié à notre total de points de vie. Et c’est là le problème, dès que l’on prend une méchante claque – et cela arrive très vite – on perd des points d’action, on a donc des tours morts ou presque. La mort justement ? Elle n’est jamais définitive, sauf à la fin lorsque l’on affronte un Ancien. Dans les autres cas, on respawn en ville, les poches vides et une partie des cartes que l’on a en main ou posées devant soi ayant disparu : là encore, on perd du temps.

D’autant que poser les cartes devant soi (= les assets = alliés, objets, sorts, titres) n’est pas simple et coûte là aussi du temps. En effet, lorsque vous battez un monstre, remplissez une quête, etc, vous avez une phase de loot assez originale à remplir. Soit vous gardez la carte en main, afin de compléter votre saga, soit vous la défaussez pour avoir le droit de récupérer une carte asset d’un certain type. Le problème, c’est que ces assets ne peuvent pas être posés directement, ils sont considérés comme des rumeurs dans votre main – comme toute les cartes qui s’y trouvent d’ailleurs – et ne peuvent être posés/activés qu’en se rendant en un lieu précis.

Or, chaque fois qu’on se rend dans une région vide, on doit activer le deck de rencontres, ce qui finit fréquemment par une baston. On peut éviter celle-ci si on se déplace furtivement : mais il en coûtera une action, donc du temps supplémentaire. Se confronter à un monstre, à une quête, à un lieu, demande à remplir des tests à base de lancers de d6, avec des réussites sur 5+. On peut s’y reprendre à plusieurs fois, les réussites ne disparaissant qu’à la fin du tour : mais là encore, on y crame de nouvelles actions, on perd donc du temps.

A la fin du tour de tous les joueurs, la « nuit » tombe et tout un tas d’emmerdes nous tombent sur le coin de la gueule : une zone bascule dans les ténèbres, un événement se déclenche – venue d’un monstre, conditions météorologiques qui peuvent améliorer ou aggraver les déplacements, etc – et on peut avoir un sbire d’un Ancien qui rentre en jeu. Ces sbires ne sont pas particulièrement menaçants sur le moment, mais chacun de ceux qui sera encore en jeu au moment où son boss affrontera les héros lui apportera une compétence supplémentaire, bien vacharde qui plus est. Il faut donc aller les chasser, ce qui coûtera évidemment du temps, mais aussi de l’argent, des pv, etc.
Bref, on ressent bien la course contre la montre et si l’on se dit au départ qu’on aura bien le temps de faire tout ce qu’il faut en 25 tours, on déchante rapidement quand on a les gencives qui volent à la première rencontre d’un monstre un tantinet agressif et qu’il faut un à deux tours pour pouvoir s’en remettre complètement.
Du jeu aux controverses !
Au final, Gloom of Kilforth est un excellent jeu au matériel magnifique et je ne regrette absolument pas d’avoir pledgé : c’est vraiment un must to have pour qui aime les crawlers. Vous ai-je précisé qu’il était jouable en solo ? Et tout aussi intéressant dans cette configuration ? ^_^ Alors pourquoi a-t-il fait couler autant d’encre virtuelle au cours de ces dernières semaines ?
Le problème tient à sa localisation, particulièrement française et allemande. Et la faute en incombe à Tristan Hall lui-même, qui s’est avéré être non seulement un partenaire compliqué mais qui a fait des tours pendables à ses partenaires, notamment Nuts Publishing. Ceux-ci ont déballé l’histoire sur la place publique en début d’année, lorsqu’il s’est avéré que la VO serait distribuée avant la VF alors que cela ne devait pas être le cas. Tristan Hall a rejeté la faute sur ses partenaires, ceux-ci lui ont rendu la monnaie de sa pièce : le sieur Tristan avait omis de mentionner à ses partenaires des changements de dernière minute réalisés sur plusieurs cartes. Or, la production étant en cours, il a donc fallu relancer un nouveau tirage pour les cartes concernées, ce qui s’est traduit par du manque à gagner pour Nuts Publishing. Ceux-ci ont donc logiquement annoncé qu’ils rompaient tout partenariat futur avec Tristan Hall, cela au moment même où était lancée une troisième campagne Kickstarter pour un nouveau stand alone Shadows of Kilforth. Par conséquent, il ne serait pas possible d’avoir les deux en VF, le stand alone restant en VO du fait de la rupture.
Si je comprends tout à fait les raisons qui ont poussé Nuts Publishing à arrêter de collaborer avec Tristan Hall, cela fâche tout de même mon coeur de joueur/collectionneur/complétiste. Moins pour cette histoire précisément que pour tout un ensemble de faits qui vont dans le même sens à l’heure actuelle. A savoir que beaucoup de jeux anglo-saxons localisés en France sont abandonnés en cours de route par les éditeurs français. On se retrouve donc avec des jeux de base en VF, voire quelques extensions et puis au revoir M’sieur-dame, on arrête alors que toute la gamme n’a pas été traduite ou qu’elle se poursuit dans son pays d’origine.
Ont ainsi été abandonnés au cours des derniers mois des jeux comme 51St State, Imperial Settlers, Star Wars : Légion, Netrunner, Ashes, Alien Artifacts, Suburbia, Ascension, etc. Je suivais beaucoup de ces jeux et me retrouve dans l’impossibilité de compléter la gamme à moins de mélanger les langues ce qui m’exaspère. C’est certes un caca nerveux de collectionneur-complétiste-pourri gâté, j’en suis tout à fait conscient, mais cela fait du bien de le dire tout de même ! Et puis, c’est mon blog, je raconte ce que je veux ! Na ! ^_^ Et je ne parle même pas des erreurs de traduction dans les localisations, parfois de grossières fautes d’orthographe qui font mal aux yeux ! Si certains comme Intrafin font des efforts pour fournir un kit de mise à jour comme pour Spirit Island, c’est loin d’être la norme et tout au plus vous proposera-t-on un éventuel fichier .pdf.
Evidemment, je sais que si ces jeux ne sont plus localisés, c’est qu’ils n’ont pas fonctionné comme prévu et n’ont pas rencontré leur public. Comme toute entreprise, celles du secteur ludique sont avant tout là pour faire du profit, c’est leur métier et si cela ne rapporte pas ou si elles perdent de l’argent, elles doivent arrêter les frais : c’est la logique économique. D’ailleurs, quand ça marche comme Terraforming Mars, chez Intrafin justement, la localisation se poursuit pour toutes les extensions.
Toutefois, cela a entamé le capital confiance que je pouvais avoir dans les éditeurs et distributeurs français. Pourquoi irais-je désormais leur délivrer un blanc-seing en misant sur une localisation qui a de fortes chances de ne pas être menée à terme ? Pour moi, l’histoire de Gloom of Kilforth a été la goutte d’eau, même si je comprends tout à fait la réaction de Nuts Publishing et qu’ils n’ont pas de reproches à se faire. Mais c’est encore une localisation de plus qui foire…
Par conséquent, il est désormais clair pour moi que je n’investirai plus dans des localisations VF, à moins qu’on ne traduise tout d’un coup comme pour la version totale deluxe de Mage Knight chez Intrafin. J’ai d’ores-et-déjà commencé en mettant en vente mon pledge VF de Gloom of Kilforth pour reprendre le même en VO ; en investissant dans un all-in VO pour Aeon’s end alors qu’il est localisé en VF par Matagot. Mais ce dernier a non seulement délaissé Alien artifacts – je suis là aussi passé à la VO – mais a en plus décidé de publier une VF pour Aeon’s end avec des carte au dos différent de la VO…. J’ai beau apprécier cet éditeur, la confiance n’est plus là.
Réaction débile me direz-vous, puisqu’en n’investissant pas dans les localisations, on aggrave le problème en les empêchant de réussir donc de pérenniser la gamme concernée. C’est évident, mais j’ai fait beaucoup d’efforts sur de multiples gammes au cours de ces dernières années et me suis fait avoir au final. C’est bon, j’ai donné et même si j’aime la langue française, je passe à celle de Shakespeare pour les jeux étrangers ! Et puis, je maîtrise suffisamment bien celle-ci pour que cela ne soit pas trop problématique ; quant à mes partenaires de jeu qui sont moins à l’aise, tant que l’un d’entre nous se débrouille, ça passe ! 😉
Toutefois, pour celles et ceux plus « patriotes » (ou moins toqués que moi ^_^) qui voudraient acquérir Gloom of Kilforth en version française, vous pouvez toujours le faire en vous rendant sur le site de Nuts Publishing en suivant ce petit lien ! Bon jeu à tous et à toutes !
Hé bien on a la même envie au même moment! Moi, c’est D-Day Dice qui affiche un retard et Nemesis qui aura sa vf 1 an après la vo…
Arf, j’ai également fait un all-in sur D-Day Dice en VF ! Là encore, Nuts n’a pas de chance avec ses partenaires, car les problèmes à l’origine des retards se posent du côté de World Forge Games et même la VO va avoir du retard.
Mais bon, tant qu’on reste sur des retards, cela ne me gêne pas outre mesure et puis cela fait partie du charme de KS ! 😉 C’est plus quand on te plante en plein milieu d’une gamme que cela finit par m’exaspérer.